Feng Shui et nouvelles formes d’organisation du travail
Après avoir
assisté à une interview de Mercedes Erra (Présidente Fondatrice de BETC,
Présidente Exécutive d’Havas Worldwide) et Flore Pradère (Directrice de
Recherche et de Prospective Bureaux de demain chez JLL France) sur le thème « Espaces
de travail, nouvelles tendances ou nouvelle culture ? » lors de ma
visite au salon Maison Objet – Work, je me suis posée beaucoup de questions sur
les avantages et inconvénients de ces nouveaux modes de travail dans des lieux
repensés.
Cela venait à l’encontre de tout ce qui fait le fondement du Feng Shui, à savoir la notion de « place ». En effet, le Feng Shui propose, après étude de la topographie des lieux, des plans et, selon la fonction de l’entreprise, un placement optimal des différents services et des salariés.
Cette notion de « place » détermine à bien des degrés le niveau d’intégration... et cela se vérifie au niveau des expressions telles que « chacun sa place, avoir sa place, trouver sa place… ».
Mais dans le nouveau mode organisationnel de Flex-office (sans bureau fixe), il s’agirait plutôt de « prendre sa place, faire place nette, tenir sa place, se faire une place quelque part, voire de faire place à quelqu’un ou de prendre la place de quelqu’un... ».
Entre l’idéologie
de trouver sa place d’être dans l’harmonie et celui de se sentir « sans
place », je pense que les cerveaux limbique et reptilien sont sans cesse
en alerte, et qu’il reste peu d’énergie au néocortex . Cette forme
d’organisation, sous une liberté apparente, est somme toute peu sécurisante mais
peut présenter un avantage pour les employeurs qui souhaitent des
collaborateurs « compétitifs ».
Aujourd’hui
beaucoup d’entreprises repensent l’organisation du travail avec Ia tendance du
Flex-office et du temps de travail « choisi », maîtrisé (possibilité
de disposer d’un temps libre et de moduler son emploi du temps...) par le
salarié.
La réorganisation du travail passe par la réorganisation de l’espace
Cette
réorganisation du travail passe par la réorganisation de l’espace, la notion
des différents services est – parfois, totalement ou partiellement – effacée,
puisque le principe est que l’on s’installe là où il y a de la place dans un
bureau partagé, ou si besoin dans une bulle de travail ou une salle de
réunion... que l’on aura réservée auparavant pour une durée déterminée.
Ainsi, il n’y a
plus de place déterminée ni pour les services ni pour les salariés (peut-être
excepté pour les services ressources humaines et comptabilité qui nécessitent
un minimum de discrétion), ce qui va à l’encontre des principes Feng Shui.
Traditionnellement,
lors d’une étude Feng Shui, on pose une « grille de lecture » qui
utilise les relations spatiales, les orientations qui détermine le placement
optimal des services, de l’agencement en terme de couleurs, formes, matériaux)
de chaque zone, de la circulation d’énergie (en terme de fluidité et de
polarité Yin/Yang).
Les bureaux de chacun des salariés est orienté selon son orientation optimale.
Les bureaux de chacun des salariés est orienté selon son orientation optimale.
L’espace est transformant (interrelation de l’espace et de l’occupant)
Au sein de l’entreprise Flex-office, on réduit de
plus en plus l’espace personnel et on le réalloue au collectif ; c’est la
sacralisation d’ une culture du clean desk et du respect
mutuel nécessaire au partage de bureaux.
Le salarié n’a donc pas de place définie, et cette absence de territorialité peut entraîner le sentiment d’être déraciné, d’être coupé de ses repères.
Le salarié n’a donc pas de place définie, et cette absence de territorialité peut entraîner le sentiment d’être déraciné, d’être coupé de ses repères.
Alors, comment trouver sa place
lorsque l’on n’a pas
de place définie ?
de place définie ?
En effet, nombreux
sont les salariés à penser leur bureau
comme la prolongation de la sphère privée et ici exit la photo du petit dernier
ou de son-sa chéri-e, pas de carte postale, ou de dessin ou pâte à sel du petit
dernier.
Il est impératif que le bureau puisse être partagé par une autre personne. Et généralement il y a des consignes comme celles d’emporter toutes ses affaires ou de les ranger dans un casier (sécurisé) si l’on doit partir pour une réunion, ou si l’on s’absente plus de 15 minutes...
Il est impératif que le bureau puisse être partagé par une autre personne. Et généralement il y a des consignes comme celles d’emporter toutes ses affaires ou de les ranger dans un casier (sécurisé) si l’on doit partir pour une réunion, ou si l’on s’absente plus de 15 minutes...
Le fait de ne pas avoir de bureau fixe peut constituer un risque de déshumanisation ;
l’être humain par essence ou instinct a besoin de s’approprier un lieu, et la
disparition du bureau peut être assimilée à une menace pour « sa
place », son emploi.
Alors oui, bien sûr, le discours positif est de dire qu’il n’y a plus de
routine, que l’on peut rencontrer plus facilement des personnes des autres
secteurs. Oui mais dans la réalité, hormis les jeunes qui semblent bien mieux
s’adapter (pour le moment) à ce nomadisme au sein de l’entreprise, il s’avère
que ce mode organisationnel est moins structurel et moins structurant, générant
de la fatigue, de l’anxiété et finalement moins de communications. Est-ce qu’il
est constructif qu’un commercial puisse échanger avec un développeur (hormis se
faire de nouvelles relations sympas...) ?
Si cela peut avoir un avantage Feng Shui sur la circulation d’énergie
grâce au désencombrement, par rapport à un environnement traditionnel où un
minimum de désordre règne, il me semble que trouver des places de bureaux
« vides » chaque matin, qui n’attendent que d’être « habitées »
pour la journée, est anxiogène. C’est un peu comme si chaque matin la même
journée se rejouait. Comme si chaque journée était une aire d’expérimentation sans lien avec les événements
de la veille. Et nous retrouvons aussi dans ce mode de fonctionnement cette
perte de repères nécessaires à l’ancrage et à l’alignement de l’individu.
Comme explicité ci-dessus, il n’y a pas de placement optimal du salarié
puisqu’il n’a pas de bureau fixe. Et selon le moment de son arrivée, il n’aura
pas forcément le choix de prendre la place qu’il aimerait, ce qui n’est pas
sans incidence sur son sentiment d’appartenance à l’entreprise ou à la Team...
...des solutions (cliquez sur le lien) Feng Shui pourraient être envisagées lors de la réorganisation de l’espace pour que le passage au flex-office ne vire pas au cauchemar.
...des solutions (cliquez sur le lien) Feng Shui pourraient être envisagées lors de la réorganisation de l’espace pour que le passage au flex-office ne vire pas au cauchemar.
Les entreprises qui ont fait appel à des architectes reconnus ont-elles fait également appel à un Consultant Feng Shui ?
J’ai posé cette
question à des exposants présents sur le salon, qui m’ont affirmé que bien sûr
leurs lieux étaient Feng Shui, et zen... (Hum !) Ainsi ils m’ont montré
des plaquettes certes alléchantes, mais qui sont pour moi comme des cités
ouvrières sans le logement. Je suis peut-être un peu sévère mais je suis sûrement
sceptique.
Ainsi, ces
nouveaux lieux alliant ( + ou - ) le wellness (pressing, conciergerie, sieste,
nutrition, etc.) à une logique de wellbeing (connexions
positives, échanges authentiques, autonomie, reconnaissance...) sont
présentés comme des Eldorados. En
fournissant à l'employé un large éventail de services pour son bien-être au travail, l’entreprise lui
donne plus de flexibilité et lui permet donc de mieux collaborer avec son équipe... forcement il a le temps !
Dans des locaux
où une ambiance plus humaine et chaleureuse est recréée, les végétaux, voire
les animaux, envahissent les bureaux d’entreprise dans lesquels des espaces
« lounge » ont été créés ainsi que des espaces « bulles de
concentration » ou « bulles de sieste » (comme chez Google). Des
grands groupes comme Blablacar, Google, Leboncoin... et même des agences gérant
des locaux de coworking proposent, avec la collaboration de grands architectes,
de transformer l’espace de travail en espace créatif afin qu’il devienne lieu
de plaisir.
Ici tout est très
esthétique, et on peut y trouver un tas de services... Mais là encore cela me
gêne, car il y a une espèce d’uniformité dans tous ces lieux qui pourtant se
veulent tous différents. Après il peut y avoir le petit détail amusant : un
lego dans un aquarium, un canapé accroché au mur..., des rooftops (ça j’aime
bien).
Bienvenue dans l’un des plus grands incubateurs high-tech d’Europe: le Cargo (Paris 19e)
image trouvée sur ;
https://www.welcometothejungle.co/fr/articles/top-des-terrasses-rooftops-jardins-d-entreprises
https://www.welcometothejungle.co/fr/articles/top-des-terrasses-rooftops-jardins-d-entreprises
À vrai dire, en les écoutant, j’ai été très tentée
de croire à cet Eldorado, à ce prolongement de la sphère privée dans ce
collectif repensé en quête d’équilibre entre le bien-être absolu de son
salarié/collaborateur et la productivité dans ce milieu exigeant de
l’entreprise face à la concurrence...
Le fait que le salarié soit en Flex-office sous-entend qu’il peut choisir
un poste de travail fixe en arrivant (tout cela restant relatif à la taille de
l’entreprise et des locaux bien sûr), et s’il n’a pas de place il peut
s’orienter vers des tables de travail collectives ou des
zones multi-usages comme les zones de « sitting » avec canapés, espaces
lounges, hot desks et bulles de concentration par exemple. Il peut aussi
choisir le télétravail ou un espace de coworking.
Pourtant j’ai
l’impression que si l’on peut travailler où l’on veut, dans la position que
l’on veut, on doit penser comme ses dirigeants. Y-a-t-il vraiment une place
pour l’individualité ?
En tant que
Consultante Feng Shui, cette notion de place au sein d’une entreprise, au sein
de son bureau, au sein de son équipe m’interpelle et me met mal à l’aise. Selon
le Feng Shui, chacun a une place, que cela soit dans son lieu de vie ou sur son
lieu de travail, or ici ,dans le cadre du Flex-office, cette notion primordiale
est rayée.
Au sein de
l’entreprise, on réduit de plus en plus l’espace personnel et on le réalloue au
collectif, tout en permettant aux personnes d’interagir et de pouvoir s’isoler
si besoin est.
Les espaces ne sont plus attribués selon le statut du salarié, mais en fonction du type d’activités qu’il pratique. S’il doit remettre un rapport dans un laps de temps très court, il pourra « s’isoler » dans une pièce ou une bulle insonorisée. Si au contraire il doit regarder quelques points, il peut se mettre dans une « zone » partagée. Ainsi a-t-on des espaces avec des énergies très différentes ; il n’y a plus de bureaux identiques mais du mobilier avec différentes typologies qui assurent une dynamique. Avant on avait des bureaux conventionnels et des salles de réunion, aujourd’hui il y a des bureaux, des salles de brainstorming, de concentration, des fauteuils, qui remplissent tous les usages d’une journée de travail.
Les espaces ne sont plus attribués selon le statut du salarié, mais en fonction du type d’activités qu’il pratique. S’il doit remettre un rapport dans un laps de temps très court, il pourra « s’isoler » dans une pièce ou une bulle insonorisée. Si au contraire il doit regarder quelques points, il peut se mettre dans une « zone » partagée. Ainsi a-t-on des espaces avec des énergies très différentes ; il n’y a plus de bureaux identiques mais du mobilier avec différentes typologies qui assurent une dynamique. Avant on avait des bureaux conventionnels et des salles de réunion, aujourd’hui il y a des bureaux, des salles de brainstorming, de concentration, des fauteuils, qui remplissent tous les usages d’une journée de travail.
Monde idéal ou monde hypra connecté et régulé ?
Certaines sociétés équipent leurs collaborateurs de smartphones qui
servent de badge de pointage, de carte de cantine, qui possèdent des applications de réservation de bureau ou d’espaces, ou encore
permettent de réserver des créneaux horaires pour des séances de fitness ou de
méditation, et vous préviennent avant leur commencement. Ce champ de liberté
n’est qu’apparent puisque votre supérieur doit tout de même savoir où vous êtes...
Outre cet aspect fonctionnel, vous pouvez être localisé grâce à une application
mobile, que vous pouvez (pourriez) choisir de désactiver...
Car on le sait, un salarié heureux est avant tout un salarié qui produit
et qui ne s’absente pas !
Les bureaux sont
agencés dans un style « comme à la maison », exit le matériel de
bureau, on emprunte le mobilier d’hôtellerie
et domestique, pour une ambiance plus « cosy », plus « humaine ».
Dans certaines entreprises, on trouve même des baby foots, un salon
bibliothèque, une véritable cuisine...
Pour les startupers qui viennent pour une durée assez courte, un problème
d’hébergement dans des espaces plus petits ou spécifiques - comme des
appartements - sont utilisés où ils peuvent travailler ensemble. Ce sont des
espaces de co-working ou co-living.
Evolution sociétale ?
Tout cela nous
est présenté comme une avancée dans la prise en considération du salarié. Or aujourd’hui, comme tous les univers se fondent, n’y
a-t-il pas un risque de confondre les espaces, de ne plus délimiter son temps
de travail et son temps à soi ?
Si la notion de place est fondamentale, il n’en est pas moins de
l’espace/fonction. Il y a son lieu de vie et son lieu de travail. Qu’en est-il
lorsque l’appartement qui est son lieu d’habitation pour quelques mois – et qui
fait partie du contrat de travail (il n’y a pas de bail de location) - est
aussi son « bureau » ?
Ce nouveau lieu
de travail avec l’esprit « comme à la maison » présente à mon avis
une dérive. Celle de travailler au bureau comme à la maison, le risque étant que
le salarié y reste plus longtemps du fait de la porosité entre le monde du
travail et la maison. Or le bureau n’est pas la maison, et il y a une vie en
dehors du bureau.
En fait ce que je constate c’est que les frontières
entre l’interne et l’externe s’estompent : les espaces d’accueil invitent
au confort et à la convivialité, pour que les clients aient envie de rester ou
pour qu’ils puissent travailler en attente de leur rdv, les bureaux allient le
confort et les commodités (pourquoi rentrer si personne ne nous attend ...).
Cette nouvelle
forme d’organisation est une tendance. Économiquement cela est plus rentable
car il y a environ 40 % de places inoccupées dans les bureaux traditionnels,
mais il reste important que le salarié qui y travaille et qui a sa part sur la
performance soit réellement pris en compte et reconnu.
Il est évident,
en prenant conscience que nous sommes tous impactés par les lieux, par leur
énergie, qu’il n’y a pas que la notion esthétique et fonctionnelle qui joue. Il
y a cette part d’insondable et d’invisible à l’œil qui est la gestion de
l’espace via les énergies, via le Feng Shui.
Une gestion
performante des espaces de travail est une gestion de l’harmonie de l’espace
par le respect du placement, de la bonne décoration qui prend en considération
l’orientation afin de déterminer les matériaux, les couleurs et les formes,
dans un souci d’esthétisme. Le tout étant également un gage de productivité.
Faire du Feng
Shui ne se voit pas, c’est en fait comme un maquillage réussi, l’art de vous
sublimer tout en étant naturel.
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